Une étudiante en soins infirmiers (L1) à Saint-Etienne, a effectué un stage en Ehpad. Une situation particulière l’interpelle : une infirmière effectue une prise de sang sans gants car "elle arrive mieux à piquer sans". La réflexion qui en résulte a mis à l’épreuve ses connaissances théoriques en hygiène et elle nous fait part de son étonnement et de ses réflexions.
L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage
Formatrice et formateur dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Zohra Messaoudi et Christian Teyssier ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015
, textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016
, suivis de nouvelles publications en 2017
, de nouveaux étonnements s'offraient à nous en 2018
. Continuons de les découvrir en 2019
!
Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.
Je suis en première année de préparation au diplôme d’état infirmier. Lors du semestre 1 nous devons effectuer un stage de cinq semaines qui nous est attribué par l’école. J’ai donc débuté mon stage début octobre dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Etant donné que je n’avais jamais travaillé, ou effectué de stage dans le milieu hospitalier, ma première semaine de stage m’a permis de comprendre le fonctionnement de cette structure de soins. Composé de trois services distincts, le premier, le Cantou, est une unité pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Il se trouve au rez-de-chaussée et accueille 12 résidents à demeure (2 résidents supplémentaires peuvent être accueillis temporairement). Ensuite, il y a le 1er et le 2e étage qui accueillent 39 résidents chacun. Cet établissement propose également un pôle d’activités et de soins adaptés pour 14 résidents.
Lors de mes trois premières semaines de stage, j’étais encadrée par les aides-soignantes. Elles m’ont appris à réaliser une toilette en respectant les recommandations d’hygiène, mais aussi à accompagner la personne âgée lors de la réalisation de ses tâches quotidiennes.
Les aides-soignantes m’ont ensuite attribué trois résidents dont je devais m’occuper quotidiennement. Puis, lors de mes deux dernières semaines de stage, j’ai continué de m’occuper des résidents, mais j’allais aussi faire le tour des étages avec les infirmières pour voir comment étaient réalisés les prises de sang, les réfections de pansement, les différentes injections, les glycémies capillaires…
Etant donné que j’effectuais mon premier stage, nous avions convenu que l’infirmière effectuerait la première prise de sang et que, si je me sentais prête, j’essaierais de faire la deuxième
Description de la situation
Madame X est une femme âgée de 85 ans. Elle présente un diabète. En conséquence, l’infirmier surveille sa glycémie à jeun (dextro) tous les matins, puis un autre dextro le soir, suivi d’une injection d’insuline décidée en fonction du résultat du dextro effectué le matin même. La dose injectée est faite en fonction d’un protocole établit par son médecin. Parallèlement à cela, cette résidente doit aussi faire des prises de sang régulièrement pour surveiller son hémoglobine glyquée.
La situation que j’ai choisie d’analyser s’est déroulée lors de ma 3e semaine de stage. Ce matin-là, l’infirmière devait effectuer deux prises de sang, des dextro, des injections d’insuline… Parallèlement à cela, sa collègue effectuait la distribution des médicaments. Puis, en fin de matinée, elles se sont réparti les patients, effectuant les réfections de pansements et la distribution des traitements oraux de midi.
Après la relève, nous sommes parties avec l’infirmière au 1er étage pour commencer le tour. Etant donné que j’effectuais mon premier stage, nous avions convenu que l’infirmière effectuerait la première prise de sang et que, si je me sentais prête, j’essaierais de faire la deuxième. Avant de rentrer dans la chambre, l’infirmière m’a donc expliqué les règles d’asepsie et de sécurité à respecter avant d’effectuer une prise de sang. Commencer par se laver les mains puis se mettre du gel hydro-alcoolique. Ensuite, pour effectuer ce geste technique, porter des gants en latex qu’il faut mettre une fois rentrées dans la chambre.
L’infirmière m’explique aussi de quoi doit être constitué le plateau de soins. Dans le plateau de soins, préalablement désinfecté, il doit y avoir les tubes pour le prélèvement (avec dessus une étiquette sur laquelle sont indiqués le nom du patient, son prénom et sa date de naissance), un garrot, une aiguille, un coton imbibé d’alcool, un coton propre, du sparadrap. En ce qui concerne le bon d’analyse du laboratoire, il est préalablement rempli et laissé sur le chariot dans le couloir. Une fois que l’infirmière m’a expliqué tout cela, nous nous désinfectons les mains, et l’infirmière tocque à la porte de la chambre de la résidente.
Nous y entrons et l’infirmière explique à Madame X quel soin elle va lui prodiguer. Pour que le soin soit confortable pour la résidente et l’infirmière, je monte le lit de la patiente. L’infirmière met alors le garrot vers le poignet de la patiente. En effet, elle m’explique que cette résidente est difficile à piquer et que pour faciliter le soin, elle va piquer
une veine de la main avec une aiguille épicrânienne. L’infirmière demande à la résidente de serrer son poing, et tapote la veine pour pouvoir bien la sentir
, et éviter que la veine roule
par exemple.
Elle désinfecte la zone où elle va piquer en utilisant la méthode escargot
. Après cela, elle pique la veine de la patiente, mais sans gants. Une fois, les tubes remplis, l’infirmière retire l’aiguille et la dépose dans le plateau. Elle demande à Madame X de compresser quelques secondes le coton propre sur la zone où elle a piqué, puis lui met un petit bout de sparadrap pour éviter de se tâcher si du sang coule encore un peu. Une fois le soin terminé, nous souhaitons une bonne journée à Madame X et nous continuons le tour des chambres.
Après m’être questionnée et après avoir relu mes cours de l’UE 2.10, je me suis renseignée auprès de l’infirmière pour savoir pourquoi elle n’avait pas porté de gants. Je voulais savoir si c’était un oubli ou si elle ne les avait pas mis volontairement.
Le questionnement face à cette situation
Une fois sortie de la chambre, je me suis interrogée sur la pratique de cette infirmière :
- pourquoi n’a-t-elle pas mis de gants pour réaliser ce soin ?;
- est-ce volontaire ou a-t-elle oublié de les mettre ? ;
- quel type de gants peut-on porter pour faire une prise de sang ?;
- quelles règles d’hygiène doit-on respecter lorsque l’on porte des gants ?
En effet, elle a tout mis en œuvre pour protéger la patiente en respectant les normes d’hygiène et en veillant aussi à son confort, mais elle oublié l’essentiel, se protéger elle-même. En effet, lors des cours dispensés par nos formateurs dans l’UE 2.10 S1, j’ai pu comprendre l’enjeu essentiel du port des gants. Les gants à usage unique sont apparus en 1965, mais avec l’arrivée du Sida entre 1980 et 1987, beaucoup de choses ont changé au sein de l’hôpital. Rappelons que les gants servent tout d’abord à protéger le patient du risque infectieux. Ils évitent de mettre en contact la flore microbienne du personnel avec la patiente et ils évitent aussi la transmission manu portée de micro-organismes d’un patient à un autre. Mais, les gants servent aussi de protection envers le personnel. Ils préviennent un risque infectieux car c’est une barrière étanche aux micro-organismes ; ils ont d’ailleurs des propriétés mécaniques d’essuyage en cas de piqure et de coupure.
Le port de gants lors d’une prise de sang réduit les risques de contamination et évite les accidents d’exposition au sang (AES). Ces derniers regroupent tout contact percutané avec du sang ou liquide biologique après une effraction cutanée causée par une piqûre ou coupure avec un instrument souillé. Chaque année en Europe, on recense plus d’1 million de blessures par piqûres d’aiguille. Les infirmières en sont les premières victimes, impliquées dans 48% des accidents. Si l’infirmière s’était piquée avec l’aiguille épicrânienne utilisée lors de la prise de sang, elle pouvait s’exposer à un risque de contaminée (VIH, VHC).
Après m’être questionnée et après avoir relu mes cours de l’UE 2.10, je me suis renseignée auprès de l’infirmière pour savoir pourquoi elle n’avait pas porté de gants. Je voulais savoir si c’était un oubli ou si elle ne les avait pas mis volontairement. Lorsque je lui posais la question, l’infirmière me répondit qu’elle n’avait pas mis de gants volontairement, qu’elle arrivait mieux à piquer sans gants
. Elle rajouta cependant que lorsque j’effectuerai les prises de sang, je devrai mettre des gants. Cette réponse fit avancer petit à petit mon questionnement.
Chercher pour comprendre et toujours se protéger
Ce questionnement m’a poussé à me pencher un peu plus sur les gants et plus particulièrement sur quel(s) type(s) de gants on pouvait utiliser lorsque l’on effectuait un soin technique comme une prise de sang. Dans les cours de nos formateurs de l’UE 2.10, on peut voir qu’il existe un panel de gants. En effet il y a :
- les gants soudés en polyéthylène qui sont des gants de protection non stériles ;
- les gants d’examen en latex (qui peuvent être stériles ou non) ;
- les gants d’examen en vinyle (ou entre nitrile) ;
- les gants d’examen stériles en latex ou vinyle.
Pour réaliser des prises de sang, il faut utiliser des gants d’examen en latex. Ce sont des gants à usage unique et qui sont réservés aux soins nécessitant une barrière de protection. Lors de sa prise de sang, l’infirmière aurait donc dû utiliser ce type de gants. Toutefois, certaines personnes présentent des intolérances au latex. Les soignants qui sont allergiques au latex peuvent utiliser les gants d’examen en vinyle ou en nitrite lors des soins à risque mais il faut faire attention, car ils se déchirent plus facilement.
Enfin, je me suis aussi interrogée sur quelles règles d’hygiène à respecter lorsque l’on porte des gants. J’ai pu trouver les réponses à mes questions dans les cours de mes formateurs de l’UE 2.10, mais aussi dans les cours que le Docteur Isabelle Martin nous a dispensés.
Lorsque l’on porte des gants, il faut :
- se laver les mains avant et après ;
- mettre les gants sur des mains propres et sèches ;
- faire attention au type de gant que l’on prend et à ce que la taille soit adaptée ;
- mettre les gants au moment du soin ;
- respecter la chronologie du plus propre au plus sale ;
- retirer les gants immédiatement après le soin, sans se contaminer les mains et les éliminer dans la filière DASRI ;
- utiliser une paire de gants pour un seul soin et un seul patient.
L’infirmière me dit "qu’elle arrivait mieux à piquer sans gants". Elle rajouta cependant que lorsque j’effectuerai les prises de sang, je devrai mettre des gants !
En conclusion, lors de mon stage en EHPAD, j’ai pu découvrir pendant cinq semaines les règles d’hygiène, de sécurité, de confort et de bien-être envers le patient. J’ai choisi cette situation d’infectiologie/hygiène car c’est la seule situation qui m’a interpellée. Je pense toutefois que l’infirmière avait peu de risque d’être contaminée puisqu’elle travaillait dans un lieu de vie
. Cependant, il est utile de rappeler qu’il vaut mieux être prudent et porter de façon systématique des gants lors des soins techniques comme les prises de sang. Cette situation m’a aussi permis de me questionner, d’approfondir mes connaissances et de prendre conscience des risques du métier infirmier. Une seule idée en tête : il faut toujours veiller à protéger le patient, mais aussi à se protéger soi-même.
ESI L1 (2018/2021)Croix-Rouge Formation Rhônes-Alpes, Saint-Etienne.
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