Samuel, un étudiant de 3ème année en soins infirmiers, a fait parvenir à la rédaction un article résumant le combat qui se joue entre la FHP, le gouvernement et les ESI. Selon lui, au-delà de l'avenir des ESI, c'est la question de la dégradation de la qualité des soins qui se pose. Une questionnement salutaire à l'heure ou la FNESI réunit ce matin son bureau pour statuer sur les actions à venir...
Depuis que la FHP, le 3 février 2014, a annoncé la mesure de suspension des stages des étudiants en soins infirmiers qu'elle comptait prendre afin de contraindre le gouvernement à accepter ses revendications, la grogne monte chez les ESI. Des actions ont eu lieu à Lyon et à Tours
. La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) a pris la tête du mouvement, disant s'indigner
de l'annonce de la FHP et "ne pas cautionner cette prise en otage", "attendant des garanties" du Gouvernement même si la situation s'arrangeait... Elle semble vouloir mettre toutes ses forces dans le bras de fer qui s'annonce. Mais un bras de fer avec qui ? Et sur quelles bases ?
Pour commencer à y voir plus clair, il faudrait pouvoir prendre du recul vis-à-vis de l'emploi systématique du vocabulaire de la terreur. Dès qu'en France une grève se déclenche, il y a des usagers ou des citoyens pris en otage
et donc, en toute bonne logique, des preneurs d'otage, des terroristes, même si on ne va pas toujours jusqu'à les désigner ainsi. La FNESI parle de prise d'otages
. Sur son site internet, la FHP reprend le terme en se déclarant elle-même otage d'un système qui l'évince
. Les ESI sont donc les otages des cliniques représentées par la FHP qui sont otages du gouvernement. Il ne reste plus au gouvernement qu'à se déclarer otage des ESI, et la boucle sera bouclée ! Le problème, c'est qu'une fois que chacun s'est déclaré otage de l'autre, on y voit guère plus clair dans le jeu des revendications politiques et des luttes entre le gouvernement et la FHP. Or, contrairement à ce que peut dire la FNESI, il est important de savoir où on en est. Les ESI ne peuvent pas se contenter d'une vision à court terme qui consisterait à dire nous sommes des otages, des victimes innocentes et nous n'avons rien à voir dans vos machinations politiques
puis à se boucher les oreilles dès qu'il s'agit de débrouiller ce qui se joue dans la lutte entre FHP et gouvernement.
Le mot de politique a beau être devenu un gros mot, cela n'empêche de se poser des questions. Que veut la FHP ? Si l'on en croit son site internet, elle se plaint d'avoir été dépossédé du CICE (Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi). Il s'agit, d'après le site service-public.fr, d'un avantage fiscal
qui équivaut à une baisse des charges sociales
. Il s'agit donc d'un allègement fiscal concédé par le gouvernement à la FHP. Quand on sait cela, on peut légitimement se demander à quel titre la FHP bénéficierait-elle de ce crédit ? Pour quels service rendus ? Car la FHP n'est pas la FEHAP. Les cliniques privées ne sont pas les ESPIC (Etablissements de Santé Privés d'Intérêt Collectif), structures privées qui participent, de façon encadrée, aux missions du service public. La FHP, elle, dégage des intérêts colossaux, exerce une activité purement lucrative, mais réclame pourtant que l'argent public continue de lui être versé.
Pour moi, la question n'est donc pas seulement de savoir si les étudiants retrouveront tous un stage et dans quelles conditions (car, si Marisol Touraine affirme que 90% des ESI auront un stage, il faut savoir de quelle qualité d'encadrement ces étudiants bénéficieront !
). On l'espère, évidemment. Moi le premier, qui suis pleinement concerné par les annonces de la FHP. La question est aussi, à plus long terme : les ESI sauront-ils se positionner politiquement ? Parviendront-ils à se poser la question, essentielle, du rôle du public et du privé, de la dégradation de la qualité des soins dans le public, des marges titanesques réalisées par le privé, et de la mise en place dans notre pays d'une médecine très clairement à deux vitesses ? Ces questions méritent d'être posées, car elles ne concernent pas uniquement la lutte des ESI dans les semaines à venir, mais aussi tous les soignants dans les années qui viennent et dans toute notre carrière professionnelle.
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