Partir en stage ne s’improvise pas. C’est l’occasion pour l’apprenant de découvrir les réalités des situations de travail, d’entrer en contact direct avec le monde professionnel. C’est un temps indispensable dans la construction de l’identité professionnelle, mais aussi dans l’intégration des valeurs et la culture soignante.
Encadrer un apprenant demande du temps et engage la responsabilité de chaque acteur. Il devient souhaitable de repositionner le rôle de chacun au regard du nouveau référentiel de formation (arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’Infirmier. Mais pour l’étudiant partir en stage, c’est partir à la découverte d’une terre nouvelle, parfois inaccessible ou encore très floue. Le stage va alors lui permettre d’approcher, voire d’accoster de manière concrète l’activité soignante.
Comment construire une relation entre le tuteur/le stagiaire/les professionnels de proximité et le formateur référent du terrain de stage ? Quel rôle chaque professionnel a-t-il à jouer dans le parcours de l’étudiant ?
Partons donc à la découverte de chacun des acteurs.
Afin d’avoir une vision pratique des choses, je vous propose de ne pas reprendre l’intégralité du texte législatif mais plutôt de partir des rôles de chacun stipulés dans le portfolio (Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’Infirmier, annexe VI). (Notée en italique)
Le maître de stage
Le maître de stage est responsable de l’organisation et du suivi de l’encadrement de l’étudiant en stage.
Deux missions principales lui sont dévolues :
1. Il accueille et intègre l’étudiant
- apporte toutes les informations nécessaires sur le lieu de stage et informe sur le parcours à suivre par l’étudiant,
- présente l’étudiant aux équipes et s’assure de son intégration,
- permet à l’étudiant de se positionner dans le lieu de stage.
2. Il assure le suivi de la formation de l’étudiant
- S’assure de la qualité de l’encadrement de proximité,
- Règle les difficultés éventuelles.
Comme il est stipulé dans le portfolio, nous pouvons voir que le maître de stage est responsable de l’accueil organisationnel de l’apprenant. Sa vision de manageur de l’équipe lui permet d’orchestrer et de planifier le plan de travail de l’étudiant.
Nous pouvons constater que dans de nombreuses structures le maître de stage est le cadre de l’unité ou parfois l’infirmière responsable, par exemple, dans les EPADH ou les maisons de retraite.
Il propose et/ou établit le parcours de stage de l’étudiant, en accord avec la demande de l’apprenant notée dans le portfolio.
Au niveau organisationnel, avant l’arrivée de l’étudiant le maître de stage aura par exemple :
- Nommé un tuteur.
- Planifié les temps de rencontre entre l’étudiant et le tuteur (au moins trois temps surtout sur un stage de 10 semaines. A savoir un temps d’accueil, un temps de bilan à mi-stage et un temps d’évaluation finale.
- Elaboré le planning de l’étudiant.
Le maître de stage assure un suivi avec l’IFSI d’origine de l’étudiant.
C’est lui qui va régler les questions en cas de litige ou de conflit. Il rédigera le rapport circonstancier en cas de faute grave de l’étudiant.
Le tuteur
Le rôle du tuteur est décliné en deux parties : un rôle pédagogique et un rôle d’évaluateur
1. Le tuteur est responsable de l’encadrement pédagogique en stage, il
- Assure un accompagnement pédagogique.
- Reçoit les étudiants et évalue leur progression.
- Réalise des entretiens réguliers et des moments de réflexions avec l’étudiant.
- Répond aux questions des étudiants.
2. Le tuteur assure l’évaluation des compétences acquises, il
- Identifie les points forts et les lacunes.
- Aide l’étudiant à s’auto-évaluer.
- Evalue ou fait évaluer les acquis au fur et à mesure et suit la progression de l’étudiant, notamment à l’aide des outils et du portfolio.
- Donne des objectifs de progression.
Le tuteur occupe une place centrale dans l’apprentissage de l’apprenant en stage. Par sa connaissance du parcours de formation de l’étudiant, il est à même de repérer les situations de travail les plus représentatives de l’exercice professionnel en lien avec le niveau de formation.
Il accompagne, guide, transmet des savoirs professionnels et bien sûr évalue la progression des acquisitions de l’apprenant. Pour cela, il organise de manière régulière des échanges, des évaluations au regard du parcours d’apprentissage et des objectifs de l’apprenant.
Son rôle pourrait se décliner en 4 parties :
L’accueil pédagogique
Il se déroule généralement dans la première semaine du stage. Le tuteur va :
- Présenter le service, sa spécialité, ….
- Présenter les professionnels du service en informant le stagiaire sur le rôle et la fonction de chaque intervenant.
- Présenter les règles de vie et d’organisation (horaire, pause, rangement du matériel, les sonnettes….).
- Écouter les attentes de l’étudiant au regard du stage.
- Formuler des objectifs de stage en commun accord.
- Établir un parcours d’apprentissage avec des paliers de progression.
- Expliquer l’utilisation des feuilles de suivi permettant la traçabilité des soins observés et réalisés.
Ne pas oublier que l’accueil est un moment clé pour établir une relation de confiance. Accueillir, n’est-ce pas recevoir quelqu’un chez soi en lui ouvrant la porte d’un univers nouveau ?
L’organisation pédagogique
Le tuteur connaît exactement les compétences ainsi que les activités clés du service dans lequel il exerce. Cet atout lui permet élaborer avec l’étudiant le parcours d’apprentissage. Il va ainsi croiser les demandes de l’apprenant avec les possibilités offertes par les spécificités du terrain.
Pour cela il peut établir un circuit permettant à l’étudiant d’aller à la rencontre de différents professionnels d’autres unités (exemple radiologie, stérilisation...) ou suivre le chemin d’un patient en assurant son accueil, puis en allant au bloc opératoire, en consultation…
Grâce à sa connaissance du milieu, le professionnel va pouvoir adapter la demande de l’étudiant. Il va ainsi proposer des tâches réelles, des situations de travail formatrices afin que le stagiaire intègre les codes de la profession.
Le tuteur est là pour valoriser son métier et aider le jeune à donner du sens à ses observations. Il aide à la lecture et à la compréhension des situations de soins.
Approche réflexive
Le tuteur ne travaille pas de manière continuelle avec l’étudiant, ce qui lui permet d’avoir une vision distanciée sur son évolution. Ainsi, lors de moments de rencontre, ils peuvent échanger sur des situations de soins significatives de la pratique soignante. L’apprenant peut ainsi décoder le sens des gestes professionnels ou des attitudes soignantes.
Le tuteur va transmettre les savoirs et les valeurs du terrain et aider à la construction de l’identité professionnelle. Nous sommes ici au cœur de la transmission des savoirs expérientiels, savoirs transmis en situation de travail. Le tuteur va permettre à l’étudiant d’analyser son activité professionnelle et donc d’apprendre en situation de travail.
Le temps où il suffisait de montrer, voire d’expliquer est révolu. Maintenant, comme cela a toujours été fait implicitement, il est nécessaire d’y incorporer une autre dimension, celle de transmettre le sens de la pratique soignante. Entrer dans la logique de compétences demande de lâcher prise sur la réalisation d’actes professionnels séquentiels et privilégier le champ du sens de l’activité de soin prodigué.
L’évaluation
Elle permet de mesurer la progression de l’étudiant. Pour ce faire, le tuteur se sera renseigné au préalable, auprès des professionnels de proximité afin de connaître leur avis. Selon les cas, un réajustement du parcours d’apprentissage pourra être envisagé. Puis le tuteur formalisera cette progression dans la feuille d’évaluation des compétences de l’étudiant. L’apprenant en gardera une trace dans son portfolio.
L’évaluation est un moment qui permet de valoriser le stagiaire en lui donnant envie de se dépasser et de donner le meilleur de lui-même.
C’est un moment où l’on fait le point et envisage l’avenir. C’est une phase de construction. Il est indispensable d’inscrire l’évaluation dans un processus d’apprentissage.
Globalement, nous pouvons dire que la responsabilité du tuteur est engagée. En effet, il doit intégrer et maîtriser tous les aspects sécuritaires d’une situation de travail réel. Il établit également avec l’apprenant une sorte de contrat de formation en lien avec le temps de stage.
De plus, il est à noter que le plus souvent, le tuteur doit œuvrer dans deux champs différents, celui de la production et celui de la formation. En effet, les conditions de travail actuelles ne lui permettent pas d’avoir une posture détachée pour la fonction d’encadrement. Il doit assurer son rôle de soignant dans le service et en plus suivre l’étudiant dans ses apprentissages. C’est la raison pour laquelle certains établissements ont fait le choix de détacher des infirmières qui assurent la fonction de tuteur pour l’ensemble de la structure.
Les professionnels de proximité
Ils assurent le suivi et la formation de l’étudiant, ils
- Organisent les activités d’apprentissage de l’étudiant, en lien avec les éléments du référentiel de compétences.
- Questionnent, expliquent, montrent, mènent des activités en duo et laissent progressivement l’étudiant mener des activités en autonomie.
- Guident, indiquent ce qui est conforme aux bonnes pratiques et ce qui doit être amélioré.
- Expliquent les risques : réglementation, sécurité…..
Ils représentent la fonction d’encadrement pédagogique au quotidien. Ils accompagnent l’étudiant dans ses acquisitions en l’informant sur les procédures, les protocoles, les différentes manières de faire, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Ils le sollicitent et le conseillent dans ses recherches. Ils soulignent l’importance de la responsabilité personnelle et collective de chacun par rapport à la qualité et la sécurité du travail. Ils rappellent les critères de qualité et les normes de sécurité au regard de situations de soins spécifiques.
Les professionnels de proximité donnent du sens à leurs actes en sortant d’un listing de tâches à réaliser et en inscrivant l’étudiant dans une autre dynamique. C’est à dire qu’ils associent un acte de soin à une personne, à un contexte et en rappellent les finalités. Comme le tuteur, ils ont la responsabilité de montrer, d’expliquer et de transmettre la démarche et le geste professionnel.
Pour son apprentissage il est important que l’étudiant soit au contact de différents professionnels. C’est dans la diversité des personnalités et des approches que l’apprenant va pouvoir se construire professionnellement. Il va ainsi lever, tout doucement, le voile sur les codes du métier, la dynamique d’équipe, le langage professionnel et trouver son identité professionnelle.
Les professionnels de proximité sont en lien avec le tuteur afin de faire le point sur l’encadrement de l’étudiant. Ils ont connaissance du parcours d’apprentissage établi entre l’étudiant et le tuteur. C’est pour eux un point de repère permettant d’adapter la progression dans les situations de soins confiées à l’apprenant.
Une traçabilité s’ensuit afin d’aider le tuteur à remplir le portfolio. Des outils, comme des feuilles de suivi, permettent de noter les soins ou actes de soins effectués par l’étudiant et ainsi mesurer une progression.
Le formateur référent du stage
Plusieurs missions lui sont attribuées
- Assure la coordination avec l’établissement d’accueil.
- Accompagne les équipes dans l’utilisation du référentiel de compétences et des outils de la formation.
- Contribue à la formation clinique de l’étudiant et à l’analyse de ses pratiques.
- Communique avec le tuteur et le maître de stage afin de suivre le parcours de l’étudiant.
- Organise des rencontres avec les étudiants sur les lieux de stage ou à l’IFSI.
- Régule les difficultés éventuelles.
Il est le plus souvent désigné par le directeur d’IFSI. Il est le lien entre les différents partenaires, qu’ils s’appellent maître de stage, tuteur ou étudiant.
Avec le maître de stage
Il règle tous les problèmes organisationnels (par exemple le nombre de stagiaire, les horaires de travail….)
Avec le tuteur
- Il suit le parcours d’apprentissage de l’étudiant et l’accompagner dans sa progression d’acquisition des compétences.
- Il répond aux questions pédagogiques.
- Il aide à formaliser les situations professionnalisantes.
- Il développe la pratique réflexive et la recherche de sens.
- Il combine « connaissances-actions-réflexions » en situation de travail, pour permettre l’acquisition de compétences.
- Il accompagne la construction de l’identité professionnelle.
- Il adapte le parcours d’apprentissage de l’étudiant en fonction des temps de rencontres.
- Il écoute les potentialités de l’étudiant ainsi que ses difficultés pour que le tutorat soit orienté autour d’une relation d’aide individuelle.
Avec l’étudiant
- Il peut venir échanger sur le lieu de stage à la demande de l’étudiant, du tuteur ou du maître de stage.
- Il peut confronter les demandes de l’étudiant avec la réalité du terrain.
- Il construit un tutorat orienté sur un individu et non sur des performances.
- Il l’aide à donner du sens à sa pratique en combinant « connaissances-actions-réflexions » pour permettre l’acquisition de compétences.
- Il donne « à voir » de l’activité soignante.
- Il inscrit l’étudiant dans une démarche d’autoévaluation.
- Il guide la démarche d’apprentissage en fonction des acquisitions et des évaluations de l’étudiant.
- Il élabore des séquences pédagogiques autour de situations cliniques permettant un échange entre les professionnels, les stagiaires et les formateurs.
Le formateur référent du stage est également là pour interroger les pratiques de soins. Il doit regarder l’articulation entre les projets de chacun, partenaire de l’alternance, et mesurer l’impact des différentes logiques sur l’apprentissage des apprenants. En d’autres termes, est-ce que le projet de l’entreprise se croise avec le projet de l’étudiant et celui de l’IFSI ?
L’étudiant
Principale acteur de cet apprentissage, l’apprenant a également différents rôles qui vont le conduire à :
- Développer des savoirs professionnels.
- Construire progressivement sa compétence.
- S’entraîner à la réflexion et à l’analyse de sa pratique.
- S’impliquer dans la résolution des situations.
- Mesurer sa progression.
Petit à petit, au fil de ses apprentissages, l’étudiant construit son parcours de formation. Il va devoir se prendre en main et être acteur de l’acquisition de ses compétences. Il a une place à prendre, afin de développer ses savoirs professionnels.
Mais à son arrivé sur le lieu de stage, il peut se trouver déstabilisé par les méthodes de travail qui lui sont proposés, et ses représentations être mises à rude épreuve. Il va devoir travailler sur ses émotions et faire expliciter aux encadrants leurs choix professionnels. Ces étapes seront indispensables pour analyser les situations de travail et acquérir progressivement une posture professionnelle.
Conclusion
Qui dit nouvelle formation, dit évaluation, remise en question de ses pratiques antérieures.
Le profil des apprenants change, les méthodes pédagogiques ainsi que le contexte de soin évoluent, ce qui demande à chaque acteur de redéfinir son rôle et ses missions.
Ce temps me paraît indispensable avant tout accueil d’un stagiaire. Comment peut-on développer un encadrement adapté à une personne si l’accueillant ne connaît pas les modalités de la tâche qu’il doit accomplir ? C’est un peu comme inviter des personnes à venir souper chez soi en ayant oublié de préparer le repas……..
Bibliographie
- Baudrit. A, Tuteur : une place, des fonctions, un métier ? Ed. PUF, 1999
- De Vecchi. G, Un projet : enseigner par situations-problèmes – Paris- Ed. Delagrave, 2007
- Hesbeen. W, Prendre soin à l’hôpital : inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. – Paris - Ed. Masson, 1997.
- Moyne. A, Relation d’aide et tutorat. – Paris – Ed. Fleurus, 1983
- Perrenoud. P, Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant – Paris – Ed. ESF, 5ème édition 2010
- Rosanvallon. J, Durand. J.P et gasparini. W (Dir.), Le travail à distance au Carrefour de deux types de collectif in le travail à l’épreuve des paradigmes
- sociologiques – Toulouse- Ed. Octarès, 2007
Revues
- Revue éducation permanente : L’alternance, pour des apprentissages situés n°172. Mars 2007
- Revue éducation permanente : Peut-on former à la fonction d’encadrement n°178. Mars 2009
- Revue de l’encadrement et de la formation des cadres de santé : dispositifs d’accompagnement de l’apprentissage n°72. Novembre 2009
Isabelle BAYLE Cadre de santé formateur Master 2 en ingénierie de la formation et des compétences Centre hospitalier de SAVERNE (67) Rédacteur infirmiers.com isabelle.bayle@ch-saverne.fr
REFONTE DE LA FORMATION
L'idée d'un tronc commun en master hérisse les infirmiers spécialisés
ÉTUDES
D’infirmier à médecin : pourquoi et comment ils ont franchi le pas
VIE ÉTUDIANTE
FNESI'GAME : l'appli qui aide les étudiants infirmiers à réviser
PRÉVENTION
Des ateliers pour préserver la santé des étudiants en santé