Le « Groupe de réflexion » ou groupe d’analyse des pratiques valorise l’expérience vécue par l’étudiant praticien comme auteur de choix et de décisions dans l’agir professionnel.
Il repose sur l’analyse de situations professionnelles réelles, étudiées au sein d’un groupe de pairs animé par un formateur de l’IFSI et un tuteur de stage ou un infirmier participant à l’encadrement.
L’objectif est de faire émerger et d’analyser l’écart entre le travail prescrit et le travail réel.
Plan
- Définition
- Nouveau référentiel et formation par alternances
- 2.1. Lieu de formation : IFSI
- 2.2. Lieux professionnels : stages
- 2.3. Autoformation
- 2.4. Lieux de la vie privée
- Le groupe de réflexion : un espace de parole
- Méthodologie
- Le choix des situations et la préparation du groupe
- Fonctionnement
- Déroulement d’une séquence
- Les 4 niveaux d’interrogation
- Les critères de choix de la situation exposée
- Les facteurs de réussite du groupe
1. Définition
Au cours de son activité professionnelle, le praticien rencontre en permanence des situations singulières pour lesquelles il doit construire des réponses adaptées qui ne correspondent pas entièrement à un travail prescrit. L’objectif du groupe de réflexion est de partir d’une de ces situations pour analyser les évènements uniques qui la caractérisent et faire émerger l’écart entre le travail prescrit et le travail réel. Il s’agit donc d’un dispositif d’analyse des pratiques.
Dans le cadre du nouveau programme de formation, l’étudiant en soins infirmiers participe à des séquences d'analyse des pratiques, que nous appellerons ici « Groupes de réflexion ». Ces séquences d’analyse ont lieu lors de chaque stage.
Elles lui permettent de :
- Réfléchir à des situations rencontrées lors de ses stages
- Identifier les bonnes pratiques de soin
- Proposer d’autres réponses de soins pour améliorer sa pratique
- Intégrer de nouveaux savoirs cliniques
- Transférer ces nouveaux savoirs d’action dans d’autres situations de soins
2. Nouveau référentiel et formation en alternance
L’étudiant évolue au cours de sa formation dans un dispositif basé sur l’alternance entre quatre pôles :
- Les lieux de formation
- Les lieux de stage
- L’autoformation
- Les lieux de la vie privée
Ces quatre pôles sont soumis à des logiques différentes que l’étudiant devra identifier, comprendre et analyser afin de pouvoir y construire son identité professionnelle et y développer son identité personnelle.
2.1. Lieu de formation : IFSI
Le lieu de formation est un espace d’apprentissage formel et organisé où l’étudiant est soumis à un règlement et à des contraintes définies par le référentiel de formation et sa déclinaison concrète dans le projet pédagogique de l’IFSI. L’enseignement est organisé et coordonné par l’équipe pédagogique. Il est présenté sous forme d’unités d’enseignements thématiques comportant des objectifs de formation, des enseignements, une durée, des modalités d’évaluation et des critères de validation. L’enseignement programmé comprend des cours magistraux, des travaux dirigés et des travaux personnels guidés.
Ils sont dispensés par des universitaires, des experts professionnels et par les formateurs de l’IFSI. Les lieux d’enseignement sont essentiellement l’amphithéâtre, la salle de cours ou la salle de pratiques où des enseignements techniques peuvent être réalisés sous forme d’ateliers pédagogiques et pratiques.
Les unités d’intégration portent sur l’étude de situations de soins ou de situations « cliniques ». Les savoirs évalués lors de ces situations sont en lien avec les 10 compétences déclinées dans le référentiel. Les séquences d’analyse de la pratique ou « groupe de réflexion » ainsi que des séquences de préparation et/ou d’exploitation de stages peuvent être animées en collaboration avec des professionnels et/ou des pairs.
Des visites, la participation à des conférences ou à des séminaires et des voyages d’études peuvent compléter ce dispositif pédagogique.
2.2. Lieux professionnels : Stages en milieu hospitalier ou extra-hospitalier
Les stages sont des lieux privilégiés dédiés à l’apprentissage clinique. L’étudiant y apprend à « porter soin à l’autre ». Il évolue au sein d’une équipe et apprend au contact des personnes saines ou malades à organiser, dispenser et évaluer les soins infirmiers globaux requis, à partir de connaissances et compétences acquises.
Comme l’IFSI, le stage comporte des contraintes organisationnelles répondant à un règlement spécifique. L’étudiant en stage se trouve confronté à une logique de production d’activités professionnelles. Il développe ses compétences grâce aux différentes situations de soins qu’il rencontre. Les lieux d’apprentissage sont la salle de soins, la chambre du patient et/ou la salle où se réalisent les examens médicaux.
Le stage offre des projets de tutorat et d’encadrement à l’étudiant. Les acteurs du stage sont le maître de stage, le tuteur et les professionnels de proximité, c'est-à-dire l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire,: infirmier, aide-soignant, médecin, kinésithérapeute, diététicienne, orthophoniste, ergothérapeute, etc …
En effet, en pratique professionnelle, les cas ne sont pas des problèmes à résoudre, mais des situations caractérisées par l’incertitude, le désordre et l’indétermination. Apprendre dans le travail et pour travailler n’est possible que si la formation est articulée aux situations concrètes du métier. L’étudiant apprend en permanence par ses expériences « dans et hors travail », par interaction avec les autres. Il construit, « bricole » des façons de faire au contact des situations professionnelles qui laissent une large part à l’imprévu, au non prescrit. L’activité de travail est productrice de connaissances nouvelles et de savoirs faire, même si la plupart ne peuvent pas être formalisés par l’étudiant.
Il doit avoir vécu des situations « bonnes » ou « mauvaises » pour :
- S’enrichir de ses erreurs et/ou de ses échecs
- Déterminer ses limites
- Savoir réagir adéquatement face à des situations nouvelles
Autrement dit, la pratique a des savoirs que la science ne produit pas et qu’il va falloir décrypter avec l’étudiant.
2.3. Autoformation : espace configuré par les formateurs et les étudiants afin de mobiliser les apprentissages
Cet espace est configuré par le tuteur et/ou le formateur pour l’étudiant afin de mobiliser ses apprentissages. Un contrat est défini entre les deux parties et repose sur un engagement mutuel tacite. L’étudiant fournira un travail individuel à partir des ressources qui seront mises à sa disposition par les différents lieux dans lesquels il évolue.
Ce travail peut prendre plusieurs formes : recherches, préparation d’exposés, rédaction d’écrits ou de projets, visionnage de films ou d’émissions télévisées, lectures personnelles et/ou professionnelles, participation à des colloques, conférences, débats, e-learning, etc.
Cet espace d’autonomie de l’étudiant est guidé par le formateur en charge de son suivi pédagogique de telle façon qu’une « autoformation permanente de soi » soit privilégiée et encouragée. Le formateur réajuste l’encadrement de cet espace avec l’étudiant, si nécessaire.
2.4. Lieux de la vie privée
Les lieux de la vie privée sont aussi des espaces d’apprentissage qui, bien qu’informels, permettent à l’étudiant de mobiliser son expérience de vie librement et de rythmer son apprentissage différemment en organisant son temps personnel. Il peut ainsi mobiliser ses expériences personnelles pour enrichir sa réflexion, ses compétences et ses pratiques professionnelles.
Ce sont, par exemple, les rencontres avec un professionnel de santé (infirmière, aide-soignant) s’occupant d’un malade de sa famille ou de son entourage, son engagement dans une activité de pompier volontaire ou de secouriste (apprentissage de l’urgence et de la gestion du stress), mais aussi dans une équipe sportive (sens du travail en équipe, travail sur la motivation, gestion de la réussite et de l’échec) ou une pratique artistique (qui peut être mise à profit dans des activités à destination des personnes âgées, par exemple).
3. Le groupe de réflexion : un espace de parole
L’étudiant en formation se situe au cœur de l’alternance entre ces quatre pôles. Le formateur face à l’étudiant s’interroge:
- Comment accompagner l’étudiant dans son cheminement pour qu’il arrive à être le professionnel attendu ?
Le groupe de réflexion valorise l’expérience vécue par le praticien, ici l’étudiant, comme auteur de choix et de décisions dans l’agir professionnel. Ils peuvent se faire en référence à des expériences vécues et des savoirs acquis dans les différents pôles de l’alternance. Le groupe de réflexion s’inscrit dans un renforcement du partenariat entre IFSI et stage.
Cette activité pédagogique est développée dans un cadre institutionnel. La méthodologie proposée ici, s’inspire du « GEASE » : Groupe d’entrainement à l’analyse de situations éducatives. Il serait plus opportun de parler de « GEASP » : Groupe d’entraînement à l‘analyse de situations professionnelles.
Les contenus mobilisés au cours de ces séquences s’articulent avec le projet pédagogique de l’IFSI, le programme de formation et les projets institutionnels des lieux de stage. Le groupe de réflexion renforce le partenariat IFSI – STAGE par la présence conjointe du formateur, du tuteur (et/ou d’un pair) et des étudiants.
4. Méthodologie du groupe de réflexion
La méthodologie du groupe de réflexion présentée ici est à orientation réflexive. Elle s’’inspire des travaux de D.A. Schön, auteur du « Praticien réflexif». Pour lui, le savoir scientifique et les sciences appliquées enseignées à l’Université ne sont pas opérants, car les situations professionnelles sont marquées par la complexité, l’incertitude, l’instabilité, le particularisme et les conflits de valeurs.
Cette méthodologie prend également appui sur P. Vermeersch, auteur de « l’Entretien d’explicitation », qui préconise la verbalisation par l’évocation pour analyser les situations et les réactions des professionnels.
L’objectif du groupe de réflexion est d’établir un lien fort et institutionnel entre le programme de formation et l’exercice professionnel attendu.
Le groupe de réflexion est centré sur le sujet, l’individu qui agit, en partant de son expérience. Concrètement, il peut être organisé soit sur le lieu de stage, soit à l’IFSI, suivant les possibilités matérielles et la disponibilité des professionnels concernés.
Au cours de ce travail :
- Le formateur est le médiateur entre les étudiants, il est garant du bon déroulement de la séquence.
- Le tuteur ou le professionnel de proximité sont invités comme experts des situations cliniques.
- L’étudiant est considéré comme expert de la situation qu’il a vécue et qu’il présente.
L’idée est que dans une formation professionnelle, il faut partir non pas des savoirs scientifiques et techniques, mais des situations. Elles sont complexes, globales, diverses et marquées par la variabilité. Il s’agit au cours de la séquence de caractériser la manière dont l’action est organisée et de trouver la nature des connaissances utilisées dans l’action.
Le formateur et le tuteur ou pair (IDE participant à l’encadrement) aident l’étudiant à relier de façon cohérente les éléments et les connaissances abordées et à construire des savoirs d’action transférables dans d’autres situations. Ils sont également garants du cadre éthique des échanges et du fonctionnement du groupe.
L’intérêt de la co-animation par le formateur et le tuteur est de développer en cohérence une synergie constructive, afin de créer ensemble des savoirs d’action transférables en lien avec les concepts et les savoirs enseignés à l’IFSI.
Le groupe de réflexion est une démarche :
- Groupale : un membre du groupe expose sa pratique et avec l’aide de ses pairs tente de l’élucider et de lui donner du sens.
- Finalisée: elle vise la construction de l’identité professionnelle, la professionnalisation, la formation
- Accompagnée : le formateur et le tuteur sont des experts et donnent les cadres de lecture des situations ; ils fournissent des repères théoriques permettant de comprendre la situation. Ils ne sont pas là pour donner des solutions ou des recettes.
- Articulée : il s’agit d’une articulation « pratique – théorie – pratique » qui s’effectue grâce à des outils d’analyse. En effet dans toute situation, on part toujours de la pratique pour y rapporter les éléments théoriques, car l’action comporte toujours une dimension conceptuelle. Une action efficace est organisée au niveau conceptuel, il s’agit de l’intelligence de l’action.
- Instrumentée : cette intelligence mobilise des savoirs selon 4 dimensions:
- instrumentale : formalisent la pratique
- heuristique : ouvrent des pistes de réflexion
- de problématisation : aident à poser les problèmes
- de changement : permettent la création de nouvelles représentations
5. Le choix des situations et la préparation du groupe de réflexion
Le groupe de réflexion est un travail réflexif de verbalisation et d’explicitation de son expérience, par la recherche des liens entre celle-ci et ses connaissances. Il favorise à la fois le développement personnel de l’étudiant et le développement de son identité professionnelle : « Apprendre à se connaître soi-même pour se découvrir comme professionnel ».
Le nouveau référentiel préconise de nouvelles approches pédagogiques qui ont pour objet d’aider l’étudiant à « apprendre en action ». Pour ce faire, il est conseillé aux formateurs de questionner leurs modes d’enseignement. Ainsi, amorcer une analyse réflexive leur demande de s’engager dans un processus d’auto-observation, d’auto-réflexion, mais aussi de partage avec ses pairs.
Cela demande donc de :
- Se poser des questions sur sa pratique
- Réfléchir aux compétences développées
- Effectuer des liens entre les composantes
- Discuter et mettre les éléments en débat avec des pairs
- Cheminer vers une cohérence entre croyances et pratiques, entre pensées et actions.
Il est donc indispensable de « mettre des mots sur la pratique soignante ».
Pour effectuer ce travail, Il faut que l’étudiant ait face à lui des « modèles » qui lui parlent, afin de donner du sens à ce qu’il voit ou à ce qu’il fait et ne pas être dans une simple reproduction de gestes.
Le modèle d’imitation (copier-coller) est encore très présent dans les services de soins, empêchant l’étudiant de développer des stratégies d’acquisition de compétences. Par exemple, lorsqu’il travaille avec « A », il fait comme « A », puis avec « B » comme « B », etc. Ce mimétisme ne lui permet pas de se construire professionnellement et encore moins de donner sens à son travail.
Afin de préparer le groupe de réflexion, le formateur donne les consignes à l’étudiant avant que celui-ci ne parte en stage. Il lui précise que le tuteur est une personne ressource sur le terrain car il peut l’aider à repérer les situations soit au sein de l’équipe, soit auprès des patients, soit encore lors de la pratique soignante.
Pendant le groupe de réflexion, ce qui prime avant tout, c’est la parole des participants, c'est-à-dire celle des étudiants. Cela sous-entend que chacun d’eux a préparé ses situations avant de participer au groupe.
Lors de chaque stage, l’étudiant relève des situations qui l’interpellent et qui ont un impact sur sa pratique, son vécu et son apprentissage. Il se questionne afin d’évaluer ce qui s’est passé pour lui au moment où il a vécu chacune de ces situations. Parmi celles-ci, il en choisira trois ou quatre pour lesquelles il cherchera à établir des liens en essayant de les identifier tout en se posant des questions afin de déterminer l’objet de son choix. D’autres situations par la suite peuvent enrichir et/ou compléter ces liens.
Puis, pour chaque situation choisie, il listera successivement les problèmes qu’elles lui ont posés ou les bénéfices qu’il aura pu en retirer. La méthode de la carte conceptuelle peut être une aide pour réaliser cette étape d’analyse et de problématisation.
Voir : La carte conceptuelle : Un outil de développement de la métacognition
Il peut décider de classer les situations par ordre d’importance en s’interrogeant sur les éléments pris en considération lors du choix de la situation qu’il présentera ensuite au groupe.
6. Fonctionnement du groupe de réflexion
Le groupe est soumis à des règles de fonctionnement qui sont posées avant son démarrage par le formateur et le tuteur :
- Respecter chacun des membres du groupe
- Développer une attitude empathique
- Parler avec bienveillance
- S’engager dans la discussion et dans l’analyse des situations
- Respecter la confidentialité des propos
- Éviter les jugements de valeur
Le formateur et le tuteur apportent une aide positive et développent une attitude bienveillante. Ils situent la place de chacun dans le groupe et définissent les limites pédagogiques de la séquence (assiduité, qualité de présence, production de situations, participation). La richesse de production du groupe est liée à l’engagement de chacun dans la qualité de ses propres travaux.
La motivation de chacun se traduit par l’importance accordée à chaque situation vécue. L’étudiant s’interroge sur ce qu’elle a pu lui apporter. A-t-il été acteur de ce vécu ? A-t-il vécu d’autres situations d’apprentissage similaires ? S’est-il senti à la hauteur lors de cette situation ? Etc.
La salle est aménagée de façon à ce que chacun soit à son aise et puisse s’exprimer facilement, sans gêne. On peut ainsi placer les chaises en demi - cercle afin de favoriser les échanges et l’écoute. L’environnement est, si possible, calme. Un paper-board placé face au groupe permettra de noter les idées au fur et à mesure des débats.
Au cours de cette séquence réflexive, l’étudiant construit et affine son identité professionnelle en clarifiant ses représentations et en confrontant ses valeurs à une réalité culturelle et professionnelle. Il développer une attitude constructive quant à l’exercice de la profession et se prépare à exercer ses futures responsabilités, à gérer les activités de soin. Il acquiert la méthodologie d’une démarche d’analyse en évaluant les écarts entre le travail prescrit et le travail réel. Il établit des liens entre les apports théoriques et la pratique vécue. Il contribue à la valorisation et à l’évolution de l’exercice professionnel. Il se situe dans une équipe et s’inscrit dans une dynamique de groupe. Il compare ses stratégies cognitives et affirme ses compétences au sein d’un groupe d’étudiants.
L’étudiant tout au long de ce travail sera amené à:
- Expliciter sa stratégie cognitive
- Prendre conscience de son propre fonctionnement
- Travailler sur ses représentations
- Apprécier la cohérence entre sa pensée et ses actions
- Développer son sentiment d’auto - efficacité
Le formateur et le tuteur sont là pour aider l’étudiant à se questionner sur ses pratiques et pour identifier comment il apprend, comment il fait. Ils effectuent avec lui les liens entre ses expériences et ses savoirs académiques pour qu‘il développe ses savoirs d’action.
7. Déroulement d'une séquence
Le groupe de réflexion est d’une durée de deux heures environ. Il se compose de quatre phases :
- 1ère Phase : Exposition des situations - 40 mn
- Présentation de la situation et pose de problématiques
- 2ème Phase : Clarification d’une situation – 20 mn
- Exposition de la situation au groupe par le narrateur (un étudiant)
- Questions du groupe au narrateur pour comprendre la situation
- 3ème Phase : Compréhension formulation d’hypothèses – 30 mn
- Elaboration de propositions par le groupe
- Prise de parole par le narrateur
- 4ème Phase : Proposition de solutions - 30 mn
- Questionnement métacognitif
- Proposition de solutions
- Clôture de la séquence
1ère Phase: Présentation des situations et pose des problématiques : 40 mn
Le formateur accueille les étudiants, le tuteur se présente, puis le formateur pose le cadre de la séquence. Les étudiants se présentent rapidement à leur tour et situent leur stage dans leur parcours de formation. Le formateur effectue un tour de table. Les étudiants à tour de rôle exposent chacun une situation. L’ensemble des personnes écoutent attentivement. Puis le formateur et le tuteur choisissent une ou deux situations qui seront exploitées.
Chaque situation d’apprenant devient un cas d’étude, car c’est à partir des problèmes rencontrés que se développent les capacités de résolution de problèmes en situation et que se constituent les compétences professionnelles. Lors de cette phase, le formateur et le tuteur peuvent développer une pédagogie de l’incident à partir des pannes, des anomalies, des imprévus. Les connaissances validées par le groupe sont des connaissances transformées en « savoirs utiles pour les actions futures »
2ème Phase : Clarification d’une situation – 20 mn
Formateur, tuteur et étudiants écoutent l’étudiant rapporter sa situation. Il ne doit pas être interrompu lors de sa narration. Chaque participant peut prendre des notes pendant l’exposé de la situation. A la fin l’étudiant pose une question au groupe sous forme d’une problématique.
Cette étape de mise en mots à travers l’analyse des situations de travail les plus complexes, permet de repérer les « savoirs outils » pour les mettre en chantier ou en problème. Lors de cette phase, le formateur et le tuteur observent le degré d’écoute des membres du groupe et relève par exemple le débit de voix (ralenti, haché, rapide, etc.…), les silences, le ton de la voix, …Tout peut contribuer à la compréhension et à l’analyse de la situation.
A l’issue de son exposé, chaque membre du groupe questionne l’étudiant pour préciser la situation et la clarifier afin de mieux la comprendre. Les questions visent à recueillir des informations sur cette situation. Elles doivent être ouvertes et le plus suggestives possible. Le formateur et le tuteur refusent les questions si elles sont fermées et si elles revêtent un caractère interprétatif. L’étudiant bénéfice d’un droit de réponse.
3ème Phase : Compréhension et formulation d’hypothèses – 30 mn
Le formateur distribue la parole et le tuteur prend des notes. A ce stade, l’étudiant n’a plus droit à la parole. Chaque étudiant formule à tour de rôle des hypothèses qui se basent sur les informations données au préalable.
Les hypothèses peuvent être rejetées par le formateur et le tuteur si elles se situent hors du cadre informatif donné par l’étudiant. Celui-ci effectue un tri dans les hypothèses proposées : soit il les garde, soit il les rejette.
Exemples de questions concernant une situation de décès pour un étudiant de première année 2éme stage.
Les hypothèses peuvent être :
- Explicatives : elles permettent de comprendre la situation
- « C’était son premier stage »
- « Il n’y avait pas vraiment d’encadrement formalisé »
- « Tu n’avais pas eu le cours théorique concernant les soins le décès »
- « Tu n’as pas su évaluer l’état clinique de ce patient »
- « Tu n’as pas eu de discernement par rapport aux priorités »
- « Tu avais un manque de connaissances par rapport à l’état clinique du patient »
- Possibles : elles sont en lien avec des cas similaires
- « On aurait pu te demander ce que tu avais compris de la situation »
- « On aurait pu te faire participer à la toilette funéraire »
- « Peut être aurait-on pu revoir l’organisation des soins après ce décès »
- Expérientielles : elles sont en lien avec des situations vécues
L’étudiant est invité à s’exprimer librement sur ce qu’il a entendu venant du groupe. Il s’interroge sur ce qu’il considère important pour lui.
4ème Phase : Proposition de solutions - 30 mn
Le formateur et le tuteur exposent les critères de sélection de la situation choisie. Ils établissent les liens avec les enseignements et valident les propositions de mise en pratique. Le groupe s’exprime sur son vécu de la séance.
Il s’agit de la phase métacognitive où s’effectue le transfert des connaissances par les liens entre la situation et l’enseignement théorique. Le formateur interroge le groupe sur la démarche d’applications pratiques en l’interrogeant sur les actions envisagées. Cette étape correspond à la supervision de l’activité. Si des observateurs ont été désignés en début de séquence, il est opportun de les faire intervenir pour verbaliser les ressentis et analyser ce qui s’est passé au cours de la séance. Tout au long de la séance, le formateur est garant du respect du cadre éthique.
Lors de l’analyse de l’activité professionnelle, le formateur et le tuteur reviennent sur les points suivants :
- Quelle est la situation évoquée ?
- Dans cette situation, quelle est l’activité soignante ?
- Quel est la nature du problème ou du questionnement ?
- Comment se structure la problématisation ?
- Lors de l’évocation, quels sont les éléments significatifs ?
- Quelles sont les hypothèses proposées par le groupe ?
- Quelle hypothèse est plus particulièrement retenue par le narrateur ?
- Quelles sont les pistes de solutions ?
Lors de la séance, le formateur et le tuteur interpellent et valorisent l’intelligence pratique de l’étudiant, qui utilise l’intelligence du corps : « mettre tous les sens en action ».
8. Les 4 niveaux d'interrogation
L’implicite des pratiques est interrogé à partir de quatre dimensions : pratique, cognitive, émotionnelle et symbolique. Cela permet à l’étudiant d’expliciter la sienne en la mettant en mots, sans porter de jugements. L’objectif est d’identifier ce que fait l’étudiant, d’évaluer sa pratique par rapport à un modèle et de « l’aider à se réfléchir en situation ». Il ne faut pas se focaliser sur le résultat de l’action, mais sur la façon dont elle a été réalisée. Les thématiques abordées peuvent être de plusieurs ordres : soins infirmiers, psychologie, sciences humaines, éthique, déontologie, législation, etc.
Au final, l’étudiant doit devenir un praticien réflexif, c’est-à-dire un professionnel qui intègre la réflexion dans l’action.
9. Les critères de choix de la situation exposée
Les critères du formateur et du tuteur pour choisir la situation sont :
- La situation doit être une situation singulière : elle s’est déroulée un jour précis
- Elle ne doit pas être trop longue, sinon elle risquerait de lasser le groupe
- Choisir plutôt une situation où la problématique apparait vite dans la façon de l’exposer
- Attention si elle est trop émotionnelle ! elle peut être difficile à exposer
- Veiller à ce que la situation ait un intérêt pour l’ensemble du groupe ; il faut que cette analyse apporte quelque chose à chacun (originalité)
- Pour débuter, choisir quelqu’un qui se prête facilement au jeu
10. Les facteurs de réussite du groupe de réflexion
Pour réussir, les rencontres doivent avoir lieu régulièrement, sur plusieurs mois, afin de familiariser les étudiants à ce type de travail. Le groupe doit être si possible restreint : 8 à 10 étudiants.
Il s’agit pour le formateur et le tuteur de :
- Créer des conditions matérielles propices
- Poser les règles de fonctionnement du groupe
- Favoriser la dynamique de groupe
- Créer un climat de confiance
- Prendre le temps de réfléchir en groupe
- Favoriser l’écoute et le respect mutuel
- Développer des échanges constructifs
- Expérimenter les actions menées entre les séances pour explorer les différentes pistes
Ce travail réflexif s’assimile à une forme de tutorat. Il s’agit de s’informer sur une situation pour en faire une analyse afin de proposer plusieurs pistes d’hypothèses permettant de faire face à ce type de situation une autre fois. Il n’y a pas une seule solution, mais plusieurs.
Le groupe de réflexion est un espace privilégié entre pratiques et savoirs. C’est une expérience collective motivante qui favorise le questionnement et amène l’étudiant à porter un regard critique sur la pratique et sa pratique. Ainsi il s’initie à la recherche en soins infirmiers par le biais d’hypothèses et de problématiques. Le groupe de réflexion, de par l’investissement de ses participants, développe des synergies constructives entre « les acteurs et les auteurs » des différents lieux formateurs de l’alternance.
Webographie
Bibliographie
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- LE BOTERF G., 2005 – Construire les compétences individuelles et collectives –Paris - Ed. D’Organisation – 245 p.
- PAUL M. – L’accompagnement, une posture professionnelle spécifique – Paris- Ed. L’Harmattan – 352 p.
- PERRENOUD P. - 2010 - Développer le pratique réflexive - Paris – Ed. ESF – Collection Pédagogies – 219 p.
- SCHÖN D. A. - Le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel Montréal - 1994 - Editions Logiques
- TARIF J., 1999 – Le transfert des apprentissages – Montréal – Ed. Logiques – 222 p.
Pascale MEYER
Rédactrice Infirmiers.com
pascale.meyer@infirmiers.com
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