Grâce à leur odorat très développé, des chiens spécifiquement formés sont désormais capables de détecter des cas de cancers de façon précoce. C’est le pari qu’a fait l’Institut Curie avec le projet KDOG. D'après les premiers résultats, les tests de la phase de concept sont très concluants, confie Isabelle Fromantin, fer de lance du projet, infirmière docteure ès sciences à l’Institut Curie.
Utiliser le flair des chiens pour dépister le cancer. Ce projet, né à l’Institut Curie à Paris en 2009, porte bien son nom : KDOG. L’idée de KDOG, c’est d’utiliser le formidable odorat des chiens pour détecter des cellules cancéreuses, explique Isabelle Fromantin , à l’initiative du projet.
Tout est parti de son hypothèse : bien qu’indétectables par l’homme, les tumeurs génèrent des odeurs. Les composés organiques volatiles sont des biomarqueurs produits par les cellules cancéreuses. En approfondissant leur étude, la détection olfactive du cancer est rapidement apparue comme un axe de recherche porteur
, précise-t-elle. Certains composés volatiles odorants émis par la tumeur elle-même pourraient ainsi être repérés par un flair très puissant, celui des chiens, capables de capter un spectre d’odeurs très précis dans des quantités infimes de matière. On sait que les chiens sont déjà mis à contribution, notamment pour la recherche de drogue ou d'explosif. Le concept de chien renifleur existe aussi aux Etats-Unis pour détecter les cancers de la prostate, mais son efficacité scientifique n’a pas encore été prouvée.
L’institut Curie a voulu faire ce pari : utiliser l’odorologie canine pour dépister les cancers et apporter une preuve scientifique à sa méthode. Une équipe se constitue alors (formée de pathologistes, d’infirmiers, de chirurgiens…), deux chiens, deux Bergers malinois, Thor et Nykios, sont choisis et confiés à un expert cynophile. Pour apporter une caution scientifique à KDOG enfin, une première phase de test est lancée en août 2016, permise par la contribution de 130 femmes. Durant six mois, les chiens travaillent à partir de lingettes dites saines
et d’autres marquées cancer
fournies par ces femmes volontaires.
L’institut Curie a voulu faire ce pari : utiliser l’odorologie canine pour dépister les cancers et apporter une preuve scientifique à sa méthode.
KDOG, comment ça marche ?
Concrètement, les femmes qui se sont prêtées au test, comme les patientes qui pourront bénéficier de la méthode KDOG, ne sont jamais en contact avec l’animal. Celles-ci ont reçu un kit comprenant un gel douche sans odeur, des lingettes et un pot stérile. Après une douche avec le produit fourni et sans mettre de parfum, ces femmes ont simplement eu à placer une lingette sur chaque sein toute une nuit avant d’enfermer le tissu marqué dans le pot stérile et de le faire parvenir au laboratoire afin d’y être soumis à la truffe des chiens. En reniflant alors les lingettes, les unes saines et les autres marquées cancer
, ceux-ci ont été capables de détecter la présence ou non de la maladie.
Des chiens « experts »
Deux bergers malinois, Thor et Nykios, participent au projet KDOG afin de détecter les odeurs qu’émettent les tumeurs. Le but : descendre le seuil de perception des animaux pour qu’ils soient capables de sentir la moindre quantité de cancer. Les chiens sont encadrés par des vétérinaires impliqués dans le groupe de travail et dressés par un expert cynophile, qui travaille avec eux depuis de nombreuses années.
Deux phases composent le projet :
- Tout d’abord l’expert cynophile met en place une étape de mémorisation où les chiens doivent reconnaître les odeurs de cancer qu’ils mémorisent. Après la phase d’apprentissage de l’odeur, les chiens sont mis en situation où le cynophile place la lingette
cancer
au milieu de lingettessaines
. - Dans un deuxième temps, le chien doit reconnaître directement les odeurs
cancer
sans avoir au préalable mémorisé ces dernières. En chiffres : 60 échantillons sont analysés par les chiens chaque jour, répartis en 3 exercices distincts : à chaque exercice, les chiens analysent 4 échantillons en 5 passages. Le temps de repos des animaux est de 1h30 à 2h entre chaque exercice.
De premiers tests très concluants
Les premiers résultats, présentés le 21 février dernier, sont très concluants : seulement six mois après le début de leur formation, les deux chiens détecteurs, Thor et Nykios, ont atteint 100% de réussite aux tests de détection des échantillons, selon l’équipe en charge du projet. Des résultats scientifiques qui attestent de la fiabilité du concept KDOG et qui satisfont l’équipe, à commencer par Isabelle Fromatin : KDOG est un très beau projet, c’est un projet qui peut sauver des vies
.
A l’issue de ces six mois de tests, une étude clinique sera lancée à la rentrée 2017
, espère Isabelle Fromantin, sur un plus grand panel de personnes, 1000 femmes volontaires cette fois, afin de valider ces premiers résultats. Une étude qui devrait prendre un peu plus d'un an et demi. Cette fois, quatre chiens seront au travail pour analyser les échantillons. Isabelle Fromantin table sur 2020 pour que le projet KDOG puisse être proposé au grand public.
Dépistage précoce, protocole peu onéreux, technique reproductible : les trois axes forts de KDOG.
Vers un dépistage précoce, simplifié, non-invasif et peu coûteux
La technique est très prometteuse selon l’équipe chargée de KDOG. Aujourd’hui, la mammographie est l’examen usuel pour détecter un cancer du sein. Un doute laisse place à une biopsie afin de déterminer, en laboratoire d’analyse pathologique, de quel cancer il s’agit. Le problème ? Le procédé est long, invasif et il coûte cher. L’idée du projet Kdog est donc de simplifier ce process
, résume Isabelle Fromantin qui rappelle qu’en cas de lingette suspecte, la prise en charge reste exactement la même, avec les examens d’exploration complémentaires. L’infirmière voit au moins trois raisons majeures de développer le projet : On peut dépister plus facilement les cancers et donc espérer pouvoir guérir plus de monde. La technique présente aussi l’avantage d’être peu onéreuse. A l’heure actuelle, c’est important, puisque ce sont des économies pour le pays, pour la sécurité sociale et donc pour tous. Enfin, KDOG pourrait être reproductible dans des pays en développement, avec peu d’accès aux soins, où, faute de diagnostics, beaucoup de personnes ne sont pas traitées et vont mourir de leurs cancers.
Peur de la blouse blanche, mammographie douloureuse, difficile ou tout simplement inaccessible, autant de raisons qui poussent parfois les femmes à renoncer au dépistage et que le protocole KDOG pourrait sensiblement aider.
Ecoutez Isabelle Fromantin présenter le projet KDOG
Susie BOURQUINJournaliste Infirmiers.com susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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