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"J’avais peur de cet ennemi invisible" : une étudiante infirmière raconte la réa Covid

Publié le 24/04/2020

Vanessa est étudiante infirmière en 3ème année, dans les Yvelines (78). Elle effectuait son avant-dernier stage en réanimation lorsque le Covid s’est déclaré en France… Entre angoisse, découragement et espérance, elle nous raconte ses journées de "bataille".

"En l’espace de quelques jours, nous sommes passés de 14 lits à 18, puis 30 puis 47… tous pleins", confie Vanessa.

Tout est allé très vite, je me souviens avoir commencé la journée normalement un lundi matin. On voyait les médecins de plus en plus inquiets les jours précédents, et l’après-midi, la décision tombe : nous devenons unité Covid. On a donc commencé à transférer tous les patients vers d’autres réanimations. Sur le coup, j’ai eu très peur, je ne voulais pas approcher de patients Covid. J’avais peur de cet ennemi invisible, peur de contaminer mes proches. Finalement, les choses se sont faites naturellement et quand le premier patient est arrivé, personne ne s’est posé la question. On a rangé nos tenues habituelles au placard, pris les tenues à usage unique, surblouses, charlottes, lunettes et masques. Tout est allé si vite… En l’espace de quelques jours, nous sommes passés de 14 lits à 18, puis 30 puis 47… tous pleins. Puis, mon stage s’est fini et j’ai appris que l’IFSI me redéployait sur place. Rien n’est clair sur notre statut, mais il était évident pour moi que je voulais rester pour accompagner cette équipe qui m’avait si bien encadrée.

J’ai cauchemardé pendant trois nuits sur mes mains refermant la housse sur ce pauvre monsieur… Jamais je n’avais fait ça avant…

Parfois, "le virus est le plus fort…"

Nous avons quand même rapidement pris conscience de la gravité de la situation. Je perdais quasiment tous mes patients entre chaque garde. J’ai été marquée par chaque histoire, chaque patient. La rapidité avec laquelle les patients se dégradent me fait peur, car nous assistons souvent impuissants à cela. On passe notre temps à les retourner, on décompresse en disant qu’on fait la crêpe party mais derrière ces blagues, on est tous épuisés et on cache notre fatigue derrière nos lunettes et nos masques. Plus d’une fois, il m’a fallu un temps avant de démarrer la voiture le soir pour rentrer, un temps pour encaisser les décès du jour, entre deux et trois tous les jours. Les limitations de traitements sont le plus difficile à vivre, le virus est le plus fort… J’ai cauchemardé pendant trois nuits sur mes mains refermant la housse sur ce pauvre monsieur… Jamais je n’avais fait ça avant…

Voir un de nos patients sortir du service extubé après deux semaines de réanimation a été un très beau cadeau.

L’unité Covid, ça vous change. On nous encourage chaque soir, mais je vous avoue me sentir parfois bien seule avec ce masque FFP2 qui fait mal, laisse des traces et que l’on porte 12h d’affilées par manque de matériel, avec les maux de tête incessants par manque d’oxygénation, les jambes tellement lourdes qu’elles ne nous portent presque plus après 50h de boulot par semaine, et l’impossibilité de prendre mes proches dans mes bras tout de suite en rentrant, mais plutôt de vite foncer sous la douche pour être sûre de ne pas les contaminer…

Heureusement, il y a eu quelques victoires et j’ai envie de finir ce témoignage là-dessus : voir un de nos patients sortir du service extubé après deux semaines de réanimation a été un très beau cadeau. Lorsque je lui ai demandé comment il allait avant de partir, il m’a répondu Dieu merci, je vais bien. Il a mis du baume au cœur à tous les soignants présents ce jour-là, avec comme un message d’espoir qui dit : il y en a qui se rétablissent aussi…

Et j’ai envie de me dire qu’on y arrivera parce que les soignants sont unis mais que derrière nous, il y a aussi nos familles, en premier, qui nous soutiennent, et toutes les personnes qui participent à la gestion de cette crise sans précédent. Bien sûr, on y laissera des plumes, beaucoup en ont beaucoup trop perdues d’ailleurs… mais nous sortirons je l’espère grandis de toute cette crise.

Vanessa G. étudiante infirmière de 3ème année (Yvelines).


Source : infirmiers.com