Législation
La vaccination fait partie des actes infirmiers à deux titres. Elle est tout d’abord prévue dans le cadre du rôle sur prescription au sein de l’article R4311-7 du code de la santé publique :
L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :
- 1° Scarifications, injections et perfusions autres que celles mentionnées au deuxième alinéa de l'article R. 4311-9, instillations et pulvérisations ;
- 2° Scarifications et injections destinées aux vaccinations ou aux tests tuberculiniques
Cet article a encore été renforcé par le Décret n°2008-877 du 29 août 2008 - art. 1 qui crée l’article R4311-5-1 :
L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer l'injection du vaccin antigrippal, à l'exception de la première injection, dans les conditions définies à l'article R. 4311-3 et conformément au résumé des caractéristiques du produit annexé à l'autorisation de mise sur le marché du vaccin injecté, sur certaines personnes dont les conditions d'âge et les pathologies dont elles peuvent souffrir sont précisées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En outre, concernant le contexte actuel, les infirmiers auront un rôle important dans la campagne de vaccination qui s’annonce concernant la grippe A. Ils feront partie des équipes constituées pour atteindre l’objectif de 30 injections par heure par agent vaccinateur.
Il est donc utile aujourd'hui de s'intéresser aux conditions pratiques d'administration de ces vaccins. Elles sont sujettes aux règles qui concernent trois types d'injections médicamenteuses ; Les injections intramusculaires, sous cutanées (superficielles et profondes) et intradermiques.
Généralités
L’administration d’un vaccin s’effectue le plus souvent par voie sous cutanée profonde et/ou intra musculaire. Les voies orales et même nasales (pulvérisation) existent pour certains vaccins, mais sont peu communes. La voie intra dermique tend à se développer, et serait prometteuse pour stimuler de façon efficace le système immunitaire. Cette couche de peau est grandement pourvue de cellules immunitaires, elle stimule donc de façon efficace la réponse immunitaire.
Les vaccins sont souvent présentés sous forme de kits prêts à l'emploi. Lyophilisat et solution à reconstituer, ou seringue pré remplie. Dans ce dernier cas, la seringue n'est pas totalement remplie. Cette bulle d'air ne doit pas être purgée. Elle est utile pour administrer la totalité de la dose prévue au patient. Elle doit donc toujours se trouver du côté du piston, de manière à purger l'aiguille en fin d'injection.
Les précautions usuelles de ces voies d’administration sont toujours à respecter. Vérification de l’identité du patient, allergies éventuelles, vérification du site d'injection à la recherche de contre indications (érythème, infection localisée, tatouage). Vérifier également les antécédents du patient et le traitement médicamenteux en cours. La prise d'anticoagulants ou l'existence d'une pathologie affectant la coagulation, nécessite un avis médical éclairé avant la réalisation de l'acte en raison d'un risque accru d'hématome.
Il faut apporter un soin particulier à la recherche d’une pathologie infectieuse en cours. La présence de fièvre, d’un diabète non stabilisé, d’une maladie évolutive chronique doit motiver un avis médical avant toute injection. Les vaccins vivants atténués sont contre indiqués en cours de grossesse, en cas de déficit immunitaire (induit ou acquis sous immunosuppresseurs par exemple) ou au décours de maladies malignes.
Certains vaccins ont des contre indications spécifiques. Une hyper-réaction à une primo injection contre indique de facto les rappels. Le vaccin de l’hépatite B se soumet au principe de précaution et son ratio bénéfice-risque doit être évalué avec attention lorsque le patient présente des antécédents personnels ou familiaux de sclérose en plaques.
En tout état de cause et comme pour n’importe quel médicament, l’infirmier se réfère aux informations fournies avec le vaccin concerné. Les seringues sont généralement pré-remplies, et la préparation facilitée par des présentations prêtes à emploi. Les aiguilles sont donc adaptées aux sites d’injection prévus. Attention cependant à tenir compte de l’âge du patient et de son état général. Le volume musculaire et la masse adipeuse pouvant amener à adapter le matériel en fonction du site d’injection.
Les précautions d'hygiène standard s'appliquent. Lavage simple des mains (et/ou utilisation de produit hydro-alcoolique), port de gants, antisepsie simple du site de ponction. Les déchets sont éliminés selon le circuit classique : contenants rigides normalisés pour déchets piquants coupants tranchants en ce qui concerne les aiguilles, et sacs Déchets d'Activités de Soins à Risques Infectieux (DASRI).
L'angle d'attaque varie selon le type d'injection à réaliser, mais également selon le site visé. Il est généralement de 90° pour les injections intramusculaires, 45° pour le plan sous cutané et entre 10 et 15° pour l'intradermique.
La taille, le calibre et le biseau des aiguilles doit également être adapté au type d'injection. Pour les injections intramusculaire et sous cutanées le biseau doit être long. Il doit être court pour les injections intradermiques.
La taille de l'aiguille en longueur doit être adaptée en fonction de la morphologie du patient. En se référant au tableau ci-dessous, il faudra par exemple choisir l'aiguille la plus longue pour une personne corpulente.
Voir également : Cours transversaux : Les aiguilles
Longueur | Diamètre | Gauge | Embase | |
---|---|---|---|---|
Injections sous cutanées | 25 mm 50 mm |
0.6 mm 0.8 mm |
23G 21G |
Bleu Verte |
Injections intradermiques | 13 mm 16 mm |
0.4 mm 0.5 mm |
27G 25G |
Grise Orange |
Injections intramusculaires | 38 mm 50 mm 32 mm 38 mm |
0.8 mm 0.8 mm 0.7 mm 0.7 mm |
21G 21G 22G 22G |
Verte Verte Noire Noire |
Injections intramusculaires
La voie intramusculaire intéressera de façon préférentielle le muscle deltoïde à partir de l’âge de un an. En dessous de cet âge ou lorsque la masse musculaire est insuffisante, l’injection peut être pratiquée dans le muscle vaste externe du membre inférieur. Le muscle fessier est généralement à éviter en raison d’une réponse immunogène diminuée. Il est cependant acceptable de choisir ce site pour l’injection d’immunoglobulines lorsque le volume à administrer est important. Les vaccins contenant des adjuvants doivent être injectés par voie intramusculaire ou sous cutanée profonde. Une administration sous cutanée ou intradermique accidentelle peut provoquer une augmentation de réaction inflammatoire (induration, formation de granulomes).
Comme son nom l'indique, elle se pratique au sein d'un muscle. Les muscles sont richement vascularisés, ce qui assure une absorption rapide du principe actif. Quel que soit le site d'injection, il faudra systématiquement pratiquer un reflux à la recherche d'une ponction veineuse accidentelle. L'injection sera régulière, lente et le contact verbal sera conservé avec le patient. En cas de variation de résistance à l'injection, ne pas hésiter à répéter la manœuvre de reflux. Dans l'éventualité ou ce dernier serait positif (au premier test ou aux autres), retirer l'aiguille aux trois quart, la réorienter, puis progresser à nouveau sous un angle différent pour répéter le test avant l'injection. Cette manœuvre peut également être pratiquée en l'absence de reflux, si le volume de produit à injecter est important afin de diminuer l'inconfort du patient.
La technique d'injection proposée est dite en « Z ». L'opérateur tend la peau en la tirant vers lui, déplaçant ainsi également les tissus sous jacents. La ponction est franche et directe. Après reflux et injection, la seringue est retirée d'un mouvement rapide et en maintenant son axe initial. La peau est alors relâchée. Les tissus revenant en place vont alors couper la trajectoire créée par le passage de l'aiguille et limiter le risque de diffusion du produit et d'hématome. Le chemin est déformé en « Z » d'où le nom de cette technique. Le massage de la zone, parfois proposé et perçu comme douloureux, devient alors inutile.
Muscle Deltoïde
La zone de ponction se situe sur la face externe du muscle deltoïde (épaule). Juste au dessus du V deltoïdien. L'aiguille est dirigée en céphalique formant un angle de 30 à 45 degrés avec la peau. Sauf dans le cas où la présentation comporte la présence d'une bulle de purge. Dans ce cas, l'orientation est caudale afin de maintenir cette bulle sur le piston de la seringue.
Site de ponction du deltoïde
Muscle fessier
Le repérage du site d'injection sur le muscle fessier a pour but d'éviter les complications liées à la proximité du nerf sciatique. En effet, si le muscle fessier est vaste et permet d'injecter des quantités relativement importantes de liquide, le trajet sous jacent du nerf sciatique impose une localisation précise de la zone de ponction. Cette dernière est déterminée en séparant la fesse en quatre cadrants. La première ligne verticale prend naissance au milieu de la crête iliaque, jusqu'à la base de la fesse. La seconde ligne est tracée perpendiculairement à la première et la sépare en deux parties égales. Le cadrant supéro externe est ici surligné en vert. C'est dans cette zone que sera pratiquée la ponction de façon perpendiculaire à la peau. Pour limiter encore plus les risques de ponction du nerf sciatique, il convient de piquer au centre de cette zone et non au niveau de la jonction des deux lignes. Cette jonction est proche de l'émergence profonde du faisceau du nerf sciatique.
Site de ponction du muscle fessier
Muscle vaste externe
Le muscle vaste externe présente l'avantage d'être très facilement accessible chez un patient en décubitus dorsal. C'est également le site le plus utilisé chez l'enfant en bas âge.
Le site d'injection se situe au niveau de la face antérieure du second tiers de la cuisse. Pour le repérer, il faut localiser la protubérance du grand trochanter (hanche) et la face latérale de la rotule (genou). La zone idéale se situe au milieu de la ligne qui relie ces deux repères.
L'injection est pratiquée perpendiculairement à la peau.
Injections intradermiques
Avant bras
Les injections intradermiques sont généralement réalisées sur la face antérieure de l’avant bras. Les aiguilles utilisées sont très fines (aiguilles à insuline). La seringue est présentée de façon tangentielle par rapport à la peau (10 à 15° environ). Le biseau de l'aiguille orientée vers le haut. Cette dernière est insérée de façon très superficielle. L'injection lente et progressive provoque immédiatement l'apparition d'une papule. Le reflux est inutile pour cette voie d'administration.
Injections sous cutanées
La voie sous cutanée pour un vaccin intéresse une zone se situant au niveau de la partie supérieure du triceps. L’aiguille est habituellement orientée selon un angle de 45°.
Triceps
La zone se situant au niveau triceps est le site le plus utilisé pour l'administration de vaccin. Ce muscle se situe sur la partie proximale du bras. La zone de ponction est située sur la face postérieure du bras immédiatement en regard du muscle (zone rouge sur le schéma ci-dessous). Elle nécessite la recherche d'un reflux avant administration du vaccin. Attention à orienter la seringue de telle manière que la bulle de la seringue se trouve du côté du piston. Contrairement aux injections IM qui nécessitent de tendre la peau, il est d'usage de la pincer pour une injection SC afin de minimiser les risques d'injection profonde.
Zones d'injection sous cutanée
En dehors des systèmes classiques d’injection à l’aiguille, il existe également une technique de projection à haute pression. Ce système projette un fin pinceau de produit en surpression qui va pénétrer l’épiderme. Le premier bénéfice recherché est une diminution de la douleur lors du geste et une augmentation du rendement. Il n’est en effet pas nécessaire de mettre toujours l’embout directement en contact avec la peau du sujet pour vacciner. L’opérateur peut ainsi sur des systèmes automatiques réaliser un grand nombre de vaccinations en un temps réduit. C’est pourquoi ce système a déjà été utilisé à très grande échelle en médecine humanitaire dans des campagnes de vaccination contre la rubéole par exemple.
Les systèmes pouvant différer selon les fabricants, il convient de se référer à leur notice d'utilisation. Toutefois, classiquement, l'embout de projection est mis en contact avec la peau au niveau de la face latérale ou postérieure du bras de la même façon que pour une injection sous cutanée classique (triceps brachial, mais sans pincer la peau). L'angle doit être de 90°. La profondeur de dispersion varie de 4 à 6 mm. Après l'injection, l'apparition d'une papule surmontée d'un pertuis objective le succès de l'injection.
Effets secondaires
Les effets secondaires des vaccins diffèrent selon le type de vaccin, du solvant, des adjuvants et de l’agent infectieux combattu. D’une façon générale, une réaction immunitaire étant stimulée on retrouve de manière plus ou moins fréquente une fièvre et une inflammation locale. On peut également retrouver une douleur au point d'injection, un léger œdème, une fatigue plus importante que de coutume. Il convient de se référer à la notice de chaque vaccin pour en connaître les effets indésirables spécifiques et d'en informer le patient afin qu'il reprenne contact avec la structure de soin ou un médecin le cas échéant.
Les vaccins contre la grippe A (virus H1N1)
Les vaccins contre la grippe A en Europe sont produits par quatre laboratoires. Trois d'entre eux ont déjà reçu l'aval des autorités européennes pour leurs autorisations de mise sur le marché (AMM). Deux vaccins de la société Pasteur sont en cours de procédure pour cette AMM. Il peut être utile de différencier ces vaccins en fonction de leur mode de fabrication et de la présence ou non d'adjuvant (voir nos autres documents sur les vaccins). Les vaccins utilisés en France dans les centres prévus pour la campagne nationale de vaccination sont des vaccins multidoses.
Novartis, vaccin Focetria® (avec adjuvant)
Ce vaccin contient des antigènes de surface du virus cultivés sur œuf. Il se présente sous la forme d'une suspension injectable en seringue pré remplie. Le liquide est de couleur blanche laiteuse. L'administration sera intramusculaire au niveau du deltoïde ou du vaste externe (en fonction de la masse musculaire).
GSK, vaccin Pandemrix® (avec adjuvant)
Injecté par voie IM dans le deltoïde ou le vaste externe, ce vaccin contient un virus de la grippe fragmenté et inactivé. L'antigène est cultivé sur œuf. Il se présente sous la forme de flacons à reconstituer (suspension et émulsion) qui forment un vaccin multi dose. Le consommable n'est donc pas compris dans cette présentation, mais sera utilisé sur le flacon reconstitué pour plusieurs injections. Un flacon reconstitué permet de préparer 10 doses de vaccin. La suspension est légèrement opalescente, l'émulsion sera blanchâtre.
Baxter, Celvapan® (sans adjuvant)
Flacons multi dose d'une solution blanchâtre, le Celvapan® présente la particularité de ne pas contenir d'adjuvant et de ne pas avoir été dupliqué à l'aide de techniques utilisant des protéines d'œuf. Il peut donc être utilisé sur des populations dites à risque (femmes enceintes) ou allergiques aux œufs. Son principe actif est un virion entier inactivé contenant l'antigène de la souche pandémique. Comme les deux précédents, sa voie d'administration est IM et sur des sites identiques. Comme le Pandemrix®, un flacon permet de réaliser 10 vaccinations.
Sanofi Pasteur, Panenza® (sans adjuvant) et Humenza® (avec adjuvant)
Le résumé des caractéristiques de ces deux vaccins n'est pas encore disponible. La procédure de validation européenne étant en cours, le RCP devrait être rendue publique d'ici peu. D'après les dernières communications du laboratoire, ces deux présentations ont l'avantage de ne nécessiter qu'une seule injection pour être immunisé, que ce soit avec ou sans adjuvant, alors que leurs concurrents préconisent tous deux injections pour obtenir une immunisation efficace.
Conclusion
L'administration d'un vaccin, comme toute autre administration médicamenteuse nécessite des compétences infirmières infaillibles et une surveillance spécifique. Au travers de la campagne de vaccination contre la grippe A, c'est toute la profession qui doit démontrer son savoir faire. Il s'agit certes de réaliser un grand nombre d'injections, mais aussi et surtout d'en connaître les tenants et les aboutissants.
Webographie
- http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/
- http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/cig-gci/p01-07-fra.php
- http://en.wikipedia.org/wiki/Jet_injector
- http://www.dermojet.com/
- http://www.dantonioconsultants.com/prod_ji_human.htm
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Backtowel2.jpg
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:DSC00082dre45_(22).JPG
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Mantoux_tuberculin_skin_test.jpg
- http://www.brothersbrother.org/images/founder.gif
- RCP Focetria
- RCP Pandemrix
- RCP Celvapan
Bibliographiques
- Code de la santé publique
- Tissot AC, Maurer P, Nussberger J, Effect of immunisation against angiotensin II with CYT006-AngQb on ambulatory blood pressure: a double-blind, randomised, placebo-controlled phase IIa study, Lancet, 2008;371:821-827
- F.H. Netter, Atlas d'anatomie humaine, ICON learing systems.
- J Y Dallot, A Bordeloup, Guide pratique des gestes médicaux 2ème éditions, Maloine.
Vincent ELMER - HAERRIG Infirmier anesthésiste DE Rédacteur Infirmiers.com vincent.elmer@infirmiers.com
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