Il y a toujours des moments où l’on réalise « réellement » certaines choses, le recul aidant. Le départ du service de cancérologie de ce patient dont les jours étaient comptés me l'a rappelé lorsqu'il m'a dit « et je ne vous dit pas à bientôt... »
Service de cancérologie. Dernière semaines de stage, après plus d’une cinquantaine de jours passés dans le service. Mr S. me dit « bonne continuation dans vos études, et je ne vous dit pas à bientôt ! » Je lui ai répondu timidement « merci, et bonne continuation à vous aussi. » J’étais perplexe sur son mot de départ, et même intimidé. On a l’habitude dans les services de soins de dire aux patients « et je ne vous dit pas à bientôt, mais bon rétablissement ! » mais l’histoire de ce monsieur résonnait autrement dans mon esprit pour penser que sa réponse était associée à cette formule.
Du petit jeu de mot, à la blague entendu à la radio du matin, ou alors d’une devinette à une phrase embêtante, le rituel était établi deux fois par semaine.
Mr S. était atteint d’un cancer pulmonaire, mais « généralisé » comme on l’entend parfois, avec des métastases. Il suivait des séances de chimiothérapie depuis plusieurs mois déjà, et son état général semblait davantage affaibli à chaque séance. Mais malgré cette fatigue extrême qui réduisait son quotidien à si peu, il avait gardé un humour sans faille, et nous avions trouvé là un point commun. Du petit jeu de mot, à la blague entendu à la radio du matin, ou alors d’une devinette à une phrase embêtante, le rituel était établi deux fois par semaine. Il souriait quand j’arrivais dans sa chambre, car il savait qu’une connerie ne tarderait pas être déballée. Et finalement, moi aussi j’attendais impatiemment sa blague du jour…
Nous discutions beaucoup pendant les soins, il se souciait toujours de savoir si nous avions pris notre pause, à quelle heure nous allions aller manger, il disait « avoir le temps », et qu’il ne fallait en rien se presser pour lui… Il était attentionné avec des soignants qui tentaient de l’être au maximum également. Après plus de deux mois à prendre en charge ce monsieur, j’ai quitté le service. Et ce jour-là, les blagues ne se faisaient pas plaindre ! Le corps médical était très circonspect sur l’espérance de vie de Mr S., le médecin avait d’ailleurs annoncé qu’au vue de l’évolution de son état de santé, les jours étaient comptés. Et Mr S., au moment de me souhaiter bonne continuation me lance : « et je ne vous dit pas à bientôt ! »… Il y a de quoi être perplexe. J’ai soudainement réalisé pour de bon que je ne reverrais certainement pas ce monsieur et que son humour légendaire s’éteindrait peu à peu. Car il y a toujours des moments où l’on réalise « réellement » certaines choses, avec du recul, après réflexion, discussion…
Et Mr S., au moment de me souhaiter bonne continuation me lance : « et je ne vous dit pas à bientôt ! »… Il y a de quoi être perplexe.
C’est dur d’en arriver à une telle conclusion, mais qu’est-ce qu’on s’est marrés ! Et c’était surement ça l’essentiel… Des histoires, deux trois conneries, une devinette par çi, par-là, et tout ceci au fil des soins, des douleurs, de la fatigue, et de la fin, inéluctablement proche…
Je n’ai pas joué au clown, j’ai été moi-même, soignant, congruent et empathique au possible, et j’en suis fier.
Clément CHAPEL, blogueur « Prenons soin. Mal soignants, nous ne pouvons être de ceux-là » Merci pour la reprise de cet article
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