Dans son indicateur du coût de la rentrée, la Fédération Nationale des Étudiants en Sciences Infirmières pointe une augmentation des dépenses, conjuguée à une mauvaise prise en compte des spécificités des étudiants en formation de soins infirmiers.
Comme chaque année, la Fédération Nationale des Étudiants en Sciences Infirmières (FNESI) publie l’indicateur du coût de la rentrée, pour les étudiants rentrant en IFSI et pour ceux inscrits en spécialités. Avec un constat : une augmentation importante des frais de la vie courante et des inégalités toujours criantes entre la filière et les autres étudiants de l’enseignement supérieur. La situation est jugée d’autant plus critique que l’enquête publiée en mai 2022 sur le bien-être des étudiants en sciences infirmières (ESI)
révélait que 52.8% d’entre eux estimaient leur santé financière mauvaise
ou très mauvaise
, les poussant à faire des choix drastiques dans leurs dépenses, voire à abandonner leur formation.
3,87% d’augmentation
Pour calculer son indicateur du coût de la rentrée, la FNESI s’est appuyé sur celui de la Fédération des Associations Générales Étudiantes (FAGE), qu’elle complète en ajoutant les frais spécifiques aux formations en sciences infirmières. Sont distingués les coûts induits par la formation initiale et ceux associés aux formations en spécialité. Ainsi, note la FNESI, pour les étudiants en formation initiale, les frais de rentrée s’élèveraient à 2 674 euros, avec des frais spécifiques équivalant à 383 euros. Le coût de la rentrée 2022 montre un indicateur en hausse de 3,97% par rapport à celui de 2021
, souligne-t-elle. L’année précédente, les chiffres remontés
équivalaient en effet à 2 508,22 euros et 221,36 euros respectivement. Même chose côté spécialités, avec des coûts qui oscillent entre 2 506 euros pour les étudiants en pratique avancée et 2 707 euros pour les étudiants infirmiers anesthésistes.
Les frais attendus selon les cursus Selon la FNESI, les dépenses de rentrées s’élèveraient à : • Pour les étudiants en formation initiale : 2 674€ dont 383€ de frais spécifiques ; • Pour les étudiants infirmiers en puériculture : 2 630€, avec 339€ de frais spécifiques ; • Pour les étudiants infirmiers anesthésistes : 2 707€, pour des frais spécifiques de 343€ ; • Pour les étudiants infirmiers en bloc opératoire : 2 778€ (414€ de dépenses spécifiques) en comptant le concours. Si la réforme du diplôme d’IBODE est bien appliquée à la rentrée universitaire 2022, le coût s'élèvera alors à 2 586€, dont 222€ de coûts spécifiques ; • Pour les étudiants infirmiers en pratiques avancées : 2 506€ (dont 142€ de frais spécifiques). |
Des frais spécifiques stables…
Dans les faits, les frais spécifiques demeurent stables, voire diminuent sur certaines lignes de dépenses. Frais pédagogiques, de chaussures ou encore liés à l’achat des ouvrages universitaires ne devraient pas connaître de variation, à la différence de ceux associés à la fourniture de tenues. Ces derniers enregistreraient ainsi une diminution de 13,9%, passant de 81 euros à 70 euros. La raison : la fourniture par les lieux de stages des tenues professionnelles, imposée par une instruction parue en décembre 2020. Toutefois, l’achat de tenues demeure pratique courante car plus d’une soixantaine d’IFSI requièrent au moins une tenue professionnelle pour les travaux pratiques au sein de l’IFSI où elles sont encore obligatoires
, déplore la FNESI. L'instruction concerne en effet exclusivement les établissements hospitaliers. Or ces tenues coûtent extrêmement chères, aux alentours de 100 euros, ce qui est hors de prix
, réagit Mathilde Padilla, la présidente de l'association. Avec parfois des comportements qui posent question
: demande aux associations de se procurer ces tenues et de les vendre aux étudiants, menace auprès de ces derniers de ne pas pouvoir suivre certains travaux pratiques s'ils ne disposent pas de blouse... S’y ajoute la consultation médicale par un médecin agréé par l’Agence régionale de Santé (ARS), obligatoire pour tout étudiant qui s’inscrit en licence. Celle-ci ne bénéficiant pas d’une tarification légale auprès de l’Assurance maladie, elle n’est pas remboursée.
Plus grave, ces coûts illégaux
appliqués par certains IFSI, parfois réclamés sans justification
ou faussement légitimés par des motifs divers irrecevables comme par exemple, la mise en place et l'entretien du WiFi dans l’établissement de formation, les espaces numériques de travail, les photocopies ou encore la carte de self.
Or, pointe la FNESI, ces frais supplémentaires ne sont pas clairement identifiés sur la plateforme ParcourSup, les ESI n’étant alors pas préparés à y faire face. Les seuls frais que les IFSI sont en droit de réclamer sont ceux relatifs à l'inscription et à la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC)
, rappelle pourtant Mathilde Padilla. Et c’est sans compter, enfin, les dépenses associées aux déplacements sur les lieux de stage, qui grèvent durement les budgets, les indemnités de stage ne permettant par ailleurs pas de compenser ces dépenses.
… mais des dépenses de la vie courante en hausse
Car si les frais spécifiques n’augmentent pas, les coûts associés à la vie courante, eux, sont à la hausse, un problème qui, comme le démontre l’indicateur de la FAGE, touche tous les étudiants. Le coût moyen pour les étudiants français s'élève ainsi à 2 527 €, soit une hausse de près de 7,4% par rapport à 2021. Dans le contexte actuel d’inflation généralisée, loyers (+10,4%), produits alimentaires (+14,2%) et carburant (73 euros environ par mois pour un étudiant en soin infirmier en stage, selon l’indicateur de la FNESI) sont particulièrement concernés. Et viennent précariser encore un peu plus une population déjà fragilisée. Si des mesures concrètes ont été mises en place par le gouvernement (remise à la pompe, maintien des repas à 1 euro pour les étudiants boursiers ou en situation de précarité, revalorisation des bourses de 4%...), elles n’apparaissent pas suffisantes pour la FNESI, face à une inflation globale estimée à 6,1%.
Étudier ne devrait pas être un luxe et devrait être accessible à tous, peu importe les ressources à disposition.
Et ce d’autant plus que les ESI, malgré l’intégration de leur formation dans le cycle universitaire, sont souvent loin des services proposés par les universités. Concernant les repas à 1€, beaucoup d’étudiants en sciences infirmières ne pourront bénéficier de cette aide du fait de leur éloignement géographique avec les campus proposant ces services, étant étudiant sur des sites dit “délocalisés”, autrement dit à de grandes distances des villes les plus proches
, donne-t-elle en exemple. Même chose pour l’accès rendu difficile aux bibliothèques des facultés du fait de l’éloignement géographique mais aussi de leurs horaires d’ouverture incompatibles avec l’emploi du temps des ESI (stage en horaires décalés) et qui obligent ces derniers à acheter leurs ouvrages plutôt qu’à les emprunter. De quoi pointer des inégalités de traitement et dénoncer une intégration universitaire trop lente et timide qui dure depuis déjà plus de 10 ans
, qui pénalise également les versements à temps des bourses. Les bourses sont placées sous la responsabilité des régions, mais celles-ci ne disposent pas de service dédié à leur gestion
, explique Mathilde Padilla. Et comme il y a beaucoup de dossiers, les retards s'accumulent. Certes, le versement est rétroactif mais comment les étudiants sont-ils censés vivre entre temps ?
Mieux prendre en compte les spécificités des ESI
Pour tenter d’alléger la facture, la FNESI, qui dénonce une mauvaise prise en compte des spécificités de la formation, réclame notamment la hausse des indemnités de stage, à hauteur d’une revalorisation de 3,90 euros par heure, un remboursement mensuel des frais kilométriques, qui prendrait en compte les fluctuations de prix sur le territoire, une application stricte des réglementations relatives aux tenues professionnelles, contraignant les lieux de stage à fournir et à entretenir les tenues dans les mêmes conditions que les professionnels de soin
, et aux frais illégaux dans les IFSI, ou encore l'intégration des bourses des formations sanitaires et sociales, sous un opérateur unique que sont les CROUS
afin de réduire les inégalités d’accès à ces services. Notre formation n'est pas une formation comme les autres ; elle recouvre pas mal d'exigences
, estime Mathilde Padilla. Or le facteur de précarité est aussi un facteur d'échec.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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